L'art de l'adaptation
« J’ai dit à Laurent que je ne me voyais absolument pas rentrer à la maison…»
À bord de leur Nautitech 40 Open, Laurent, Alison et leurs deux filles de 9 et 11 ans, suivent leurs intuitions, tirent parti du hasard et réinventent sans cesse un grand parcours autour du monde.
« Nous avons flashé. Nous avions tout ce que nous souhaitions : une vision à 360°, un carré extérieur ultra-protégé, un plan de pont ultra-simple, les postes de barre à proximité immédiate des lieux de vie. »
Un "simple" tour de l’Atlantique
Nocealia, le Nautitech 40 Open de Laurent et Alison se balance doucement, au mouillage dans le lagon de Bora Bora. Avec leurs deux filles âgées de sept et neuf ans, à l’époque, ils ont quitté Sète il y a deux ans exactement. Ils sont sortis de leur zone de confort, comme ils disent, pour un « simple » break d’une année dans une vie trop intense. Pour se retrouver, ne pas passer à côté de leurs filles, vivre une aventure. Au départ, comme beaucoup avant eux, ils pensaient effectuer un « simple » tour de l’Atlantique. La vie, leur envie, leur étonnante façon de tirer parti de la moindre opportunité, bref leur art de l’adaptation en ont décidé autrement.
Comme ils le disent : « Nous croyons beaucoup aux planètes qui s’alignent. » Eh bien dans leur cas, elles s’alignent mieux encore que les satellites du système Starlink, qui nous permet de converser comme si nous étions dans la même pièce. Il faut dire que leur intuition et leur art de sauter sur les occasions sans se prendre la tête ne suffiraient pas. La chance et le hasard s’en mêlent souvent. Certes, mais ils savent aussi créer cette chance, provoquer l’heureux hasard. Un exemple ? Le bateau est au sec, à Panama. Ils sont tout juste de retour, après avoir fêté Noël en famille en France.
Devant eux le Pacifique. On leur a dit que la première difficulté consiste à s’extraire du Golfe de Panama. Et qu’ensuite, avec une météo et des courants fantasques, il faut contourner les Galapagos par le sud. Mais la fenêtre météo est excellente et le vent, fort mais portant. Comment laisser passer cette aubaine ? Sans perdre une seconde, ils remettent Nocealia à l’eau, et quittent leur mouillage en pleine nuit. Les voilà qui foncent dans l’obscurité comme un cheval au galop. Bien vite, un fantastique courant de quatre nœuds prend le relais de la brise. Leur Nautitech 40 Open abat des journées de 200 milles, porté par un véritable tapis roulant. Ils progressent sous Parasailor seul (un spinnaker à aile) et doublent facilement les Galapagos par le nord, ce qui n’est pas habituel. Quatre jours après, ils franchissent l’Equateur. Après une journée et demie de moteur pour s’extraire du Pot-au-Noir, ils pensaient descendre tranquillement au portant, dans un alizé débonnaire.
L’affaire se corse
C’est une fraîche brise de travers de 25 nœuds qui les cueille, accompagnée d’une grosse houle qui secoue le Nautitech 40. L’affaire se corse lorsqu’à la suite d’un choc d’origine inconnue, Laurent constate qu’ils ont perdu le quillon de la coque au vent. Moment de stress, vérification que la coque ne fait pas une goutte d’eau -l’appendice est simplement collé justement pour préserver l’intégrité du bateau en cas de collision avec un objet flottant-, appels réguliers au Cross Gris Nez pour s’assurer une couverture de sécurité, ils continuent en vitesse vers les Marquises qu’ils atteignent en 23 jours.
A Fatu Hiva, Alison et les filles accueillent Laurent et ses trois équipiers avec des colliers de fleur. Elles n’ont pas embarqué dans cette transpac pour une raison que nous verrons plus loin. Reste que le chantier Nautitech leur expédiera un quillon neuf à Tahiti. Mais qu’avec la longueur des procédures d’assurance, ils navigueront trois mois durant avec un seul de ces plans anti-dérive. « Ça marchait très bien comme ça, sauf au près évidemment, philosophe Laurent. Nous nous sommes adaptés. »
Ils ne voyaient pas les journées filer
Tout comme lorsqu’ils ont décidé de partir. À la tête d’un cabinet d’architecture, d’une entreprise de construction et d’une autre de promotion immobilière, ils ne voyaient pas les journées filer. Ni, souvent, les nuits. Trop souvent. Le nez dans le guidon, ils confiaient souvent leurs filles aux grands-parents. Trop souvent. « Évidemment, reconnaît Alison, cette frénésie nous permettait de bien gagner notre vie, ce qui nous permettait de financer de beaux voyages… en avion. » Mais petit à petit s’est imposée la sensation de se tromper de vie, de passer à côté de l’essentiel. Et avec elle, très vite, le désir de stopper la « rat race » comme disent les Anglais. De mettre en pause la course à l’échalotte. Pendant un an. Donc de partir loin.
En bateau ? Pourquoi pas ?
Laurent n’avait pratiqué que le dériveur léger, mais son Laser lui avait permis d’en apprendre beaucoup sur le vent et les vagues. Alison, en revanche, ne connaissait des bateaux que les quelques sorties en vedette à moteur avec des amis.
Le projet commençait à mûrir. C’était l’été 2019. Ils se voyaient larguer les amarres cinq ou six ans plus tard. Le hasard en a décidé autrement. Du moins, ont-ils profité du hasard pour en décider autrement. Les voilà au salon de Cannes où ils visitent tous les catamarans exposés.
Les catamarans ? « Oui, pour des raisons d’espace et de sécurité. Nous voulions une maison sur l’eau où les enfants soient parfaitement protégés. Et puis, un tour de l’Atlantique se fait principalement au portant. Le cata s’imposait comme une évidence. » Quand Alison a débarqué de la dernière unité visitée, Laurent lui a glissé : « Tu oublies tous ces bateaux. Ils sont trop chers, trop luxueux ou trop sportifs ! » Trois modèles échappaient pourtant à cette impitoyable élimination. Un Italien haut-de-gamme, un Français orienté compétition. Et le Nautitech 40 Open. « Là, nous avons flashé. Nous avions tout ce que nous souhaitions : une vision à 360°, un carré extérieur ultra-protégé, un plan de pont ultra-simple, les postes de barre à proximité immédiate des lieux de vie – nous ne voulions pas de ces fly-bridges qui isolent le barreur. »
Mais l’essentiel n’est peut-être pas là.
« Nous avons rencontré un agent Nautitech qui n’a pas cherché à nous « vendre » à tout prix son produit, mais à connaître notre projet et à nous conseiller. Ce contact humain, nous le privilégions, c’est l’une de nos philosophies de vie. »
Comme ils n’entendent à aucun prix partir avec un crédit sur le dos, Laurent se lance dans une quête exhaustive des 40 Open d’occasion sur Internet. Une nuit -dans la journée, il est trop occupé pour surfer sur le Net- il tombe sur l’annonce d’une mise aux enchères à Marseille d’un 40 saisi par la Banque dont le client ne payait plus les mensualités. « Une vente aux enchères ? Nous n’avions jamais fait ça. J’ai appelé et j’ai dit que je ne me déplaçais que pour enchérir, certainement pas juste « pour voir ». A Marseille, cette vente aux enchères a duré exactement quatre minutes ! Laurent a sauté sur l’occasion, c’est le cas de le dire. Le bateau datait de 2015, il était en excellent état, mais abandonné sur son terre-plein, il commençait à subir exactions et pillages. Il fallait le sauver d’urgence. Mise à l’eau expresse, quelques ronds dans l’eau pour vérifier que n’existait aucun vice caché et hop, cap sur Sète, à 70 milles de là.
Sète, parce qu’ils y habitent et qu’ils ont facilement trouvé une place au ponton, ce qui ailleurs relèverait du miracle. « Mais lorsque le port de plaisance a libéré des places, nous étions quasiment les seuls à avoir à la fois le bateau et un financement. » Comme un nouveau signe du ciel.
Lequel n’est pas très coopératif. Nous sommes en décembre, la météo affiche un BMS, une sévère Tramontane souffle, en plein dans le nez. Pour le portant, on attendra. Le convoyage est rude, il dure une vingtaine d’heures. Mais à l’arrivée, Laurent est aux anges : le bateau est sain, simple, marin. Tout fonctionne. Alison découvre sa nouvelle maison sur l’eau : elle comporte quatre cabines, ce dont ils se féliciteront tous les jours. « Nous ne sommes quasiment jamais tous les quatre : entre la famille et les amis, nous avons toujours du monde à bord et l’option quatre cabines est bien mieux adaptée à notre programme. »
Un projet, un bateau et une envie.
Laurent et Alison ont un projet, un bateau et une envie. Ne reste plus qu’à tout préparer. Comment financer le voyage, assurer la continuité de leurs affaires ? Une fois encore le destin s’en mêle. Un jeune collaborateur auquel Laurent confie son dilemme leur propose de s’associer. Ce qu’ils acceptent avec joie. Puis ils vendent l’entreprise de construction. Voilà l’avenir assuré. Et financé durant une année.
La préparation les absorbe. Itinéraire, équipement -dessalinisateur, panneaux solaires, voiles neuves, Iridium Go, etc.- sécurité (quelles escales privilégier en cas de pépins de santé des enfants ?), enseignement à distance, météo du voyage, retours éventuels en France pour les fêtes de famille, rotations d’équipage (un connaisseur leur a conseillé de ne jamais s’imposer d’obligation de dates ni de lieux), pas d’échappatoire, il faut s’efforcer de tout prévoir. Un vrai job à plein temps.
Bref, après deux étés de familiarisation avec leur 40 Open dans les Calanques et en Corse, les voilà presque étonnés de se retrouver prêts à partir. « En toute franchise, nous culpabilisions. Partir ? Pour un an de vacances ? N’est-ce pas irresponsable ? Mais très vite, dès le début du voyage, cette culpabilité s’envole. »
Nous sommes en août 2022. Leurs amis sont là pour leur larguer les amarres. Cap sur Majorque, Minorque, Ibiza, Gibraltar, Tanger, Rabat, puis les Canaries. Là, ils font le tour des bateaux en escale pour savoir si certains vont au Sénégal. Réponse unanime : non ! « Pourquoi le Sénégal ? explique Alison. Laurent ne voulait pas d’une simple balade touristique aux Caraïbes. Des amis nous ont mis en contact avec Voiles sans Frontières et nous avons participé à une mission humanitaire. »
L’option 3
Au vrai, Alison était pleine d’appréhensions en arrivant à Dakar. « J’étais stressée. Je me demandais ce que je faisais là. Quand nous sommes repartis vers les îles du Cap Vert un mois plus tard, je pleurais : l’accueil a été fantastique, les rencontres inoubliables. » Pour remonter le Sine Saloum, ils n’ont pas hésité à embarquer des locaux. « Ils nous ont emmené dans des endroits où nous n’aurions jamais osé pénétrer. Ils déjouaient tous les pièges de la Mangrove, c’était magique. »
À Mindelo, Laurent prépare minutieusement la traversée de l’Atlantique qu’il effectuera avec ses cousins. Alison n’en sera pas, leurs enfants non plus : ils ont jugé que les filles étaient encore trop petites et que leur absence épargnerait un stress supplémentaire à Laurent. Mère et filles rejoindront le bateau en Martinique.
Une énorme zone sans vent barre la route de Nocealia. Il faut la contourner par le sud, jusqu’à toucher le courant nord-équatorial du Brésil et remonter sous gennaker pendant quatre jours. Pour éviter une arrivée de nuit en Martinique, ils relâchent une journée à la Barbade, repartent le soir et mouillent au petit matin devant la plage des Salines, un premier océan dans leur sillage.
Avance rapide : retour en France pour une quinzaine de jours, un mois aux Grenadines, puis cap au nord. Leur objectif : Miami, après escales à Cuba et aux Bahamas. Au printemps, ils attaqueront la transat retour via Bermudes et Açores. Il n’est alors pas du tout question de prolonger l’aventure. Petites Antilles, Grandes Antilles, les voilà aux îles Turques et Caïques.
Et là… patatras ! Alison : « J’ai dit à Laurent que je ne me voyais absolument pas rentrer à la maison… » Le plan établi avec tant de minutie par le skipper s’envole dans l’alizé. Laurent : « Nous n’avions plus de cadre, plus de programme : nous entrions dans l’inconnu. »
Les voyageurs hésitent. Puis ils décident de consulter les deux plus jeunes membres de l’équipage. Ils leur proposent trois options. Une : rentrer comme prévu. Deux : Cuba, Mexique, Guatemala où ils hiverneront le bateau. Trois : revenir en Martinique puis continuer vers l’ouest. Les filles n’ont pas tergiversé : elles voulaient poursuivre l’aventure et rester avec leurs parents plutôt que de retrouver la garde trop fréquente de leurs grands-parents. Bref, l’option trois s’est imposée.
Un cyclone au mouillage
Continuer ? Cela changeait tout. Il fallait avant tout financer la suite du grand voyage, autant dire recommencer à travailler… à bord. Il fallait surtout revenir en Martinique : sept-cent milles contre l’alizé et sa mer brutale, en route directe ! Une folie leur disait-on. Vous allez tout casser. Mais ils ont osé. Avec des escales à Saint Domingue, puis aux îles Vierges américaines et britanniques, c’est passé.
Pourtant, ce n’est pas le bateau qui les a pris par surprise. C’est l’accident de leur aînée à Saint-Martin. Trois mois d’enfer : traumatisme crânien, hématome extra-dural, coma, pronostic vital engagé, opérations à Saint-Martin, puis à la Martinique où l’enfant a été héliportée, rééducation, rejet des points de suture… l’angoisse, l’enfer. Mais une chaîne de solidarité s’est formée autour d’eux, les gens de Nautitech leur ont apporté une aide précieuse.
Pendant ce temps Nocealia, convoyé à la Martinique, et subit un cyclone au mouillage (« mais il n’y a eu que 54 nœuds, donc pas de bobos »)
Quand tout s’apaise, ils mettent le cap sur les Roques -un enchantement, mais un gros moment de doute pour Laurent : « est-ce fou de continuer ? » - puis sur la Colombie en affrontant vaillamment les tourmentes du Cabo de la Vela. À Carthagène, ils retrouvent la paix de l’esprit, les bonnes habitudes et la motivation pour passer « de l’autre côté ». Ils séjournent des semaines aux San Blas et renouent avec leurs automatismes. Puis ils franchissent le Canal avant Noël, ce qui leur laisse le temps d’apprécier Panama, ce pays « très accueillant pour les voileux ».
Traversée du Pacifique
Après les fêtes de fin d’année en France, voici la traversée du Pacifique. À nouveau sans Alison et les deux filles, l’aînée étant encore convalescente. Voici aussi le retour au bureau… à distance. Laurent s’esclaffe : « J’ai même envoyé des plans et un permis de construire depuis le milieu du grand océan. Vive Starlink. »
Puis ils se retrouvent aux Marquises -un éblouissement de six semaines- et restent encore un mois et demi aux Tuamotu. Ils ont leur routine : deux à trois heures de travail pour les grands comme pour les petites par jour (Alison : « au bout d’un an j’ai cessé de me mettre la pression avec l’école. Ça se passe très bien et elles apprennent très facilement. ») Ils arrivent à Papeete à temps pour suivre les Jeux Olympiques. Ils se l’étaient promis.
Un nouveau dilemme
Les voilà maintenant face à un nouveau dilemme: continuer vers l’Indonésie et le canal de Suez pour revenir en Méditerranée en août 2025…Ou descendre en Nouvelle Zélande et habiter leur maison sur l’eau durant deux années supplémentaires. Ils ne sont pas inquiets: les étoiles continueront de s’aligner, et ils s’adapteront.
Celle qui les guide veillera sur Nocealia et sur son équipage.
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